Dan, le plus génial des facteurs
Si les Kiwis sont tous fiers de leur Dan Carter, considéré comme le meilleur joueur de rugby au monde, les Anglais peuvent, eux, se targuer de compter un Dan Porter parmi les leurs. Sans aucun doute le meilleur facteur en activité, Porter descend les bières comme personne.
Tous deux excellents manieurs de ballons (ovale pour Carter, de rouge pour Porter), ces deux phénomènes sont avant tout réputés pour leur qualité de distributeur : l’ouvreur des Crusaders et des All Blacks se charge de distribuer le jeu (sans pareil) ; Dan Porter le courrier (sans pareil également). Si Carter est apprécié pour ses passes allongées à hauteur qui passent comme des lettres à la poste, Porter n’a strictement rien à lui envier : lorsqu’il passe, allongé, à hauteur d’une boîte aux lettres, on sait pertinemment que ses lettres vont retourner à la poste ! Et la comparaison ne s’arrête pas là, loin de là !
Quand Carter enfile sa tenue rouge et noire de Crusaders, Porter revêtit son bel uniforme de facteur – rouge et noir également. Ils partagent ainsi les mêmes couleurs et nourrissent les mêmes ambitions (être le meilleur à leur poste) dans cette ville de Christchurch où ils ont forgé leur réputation.
La gloire vient le samedi. Car le samedi, c’est jour de match ! Carter chausse ses crampons, Porter enfile son casque, et hop ! C’est parti ! Les deux sont alors fins prêts à embraser cette belle ville de Christchurch. Tandis que Dan Carter enflamme les quatre coins du Jade Stadium — son jardin —, Dan Porter, quant à lui, met le feu dans son propre jardin (une baraque au bout de Gloucester street) afin de brûler le courrier qu’il avait la flemme de livrer.
Néanmoins, le potentiel du jeune Carter est peut-être supérieur à celui de son aîné britannique. Par exemple, Dan Carter n’a aucun mal à trouver les poteaux après un shoot de 50 mètres, alors que pour Porter, les choses sont autrement plus délicates : non seulement il peine à enchaîner les séries de shots de vodka de plus d’un mètre, mais en plus, il tape toujours le poteau lorsqu’il est lancé sur son vélo…
Cela étant dit, ses statistiques se rapprochent de plus en plus de celles de Carter. Certes, Carter tourne à près de 15 points par match, mais Porter franchit de plus en plus régulièrement la barre des 12 pintes par soir.
C’est à force de travail que Porter parvient peu à peu à se hisser à la hauteur de Carter. Les deux sont des férus de l’entraînement, ne refusant jamais une session. C’est d’autant plus vrai pour Porter qui répond présent du mercredi soir au samedi soir. D’ailleurs, le facteur anglais est un tel acharné du travail qu’il lui arrive parfois de se rendre au boulot alors qu’il est au repos !
Pour être franc, cela ne lui arrive que lorsqu’il a pris trop de coups dans la tête. Carter – qui, au contraire de l’Anglais, ne porte jamais de casque – est en ce sens plus résistant que Porter. Cela se vérifie dès le coup d’envoi : au moment où Carter tape sa première chandelle, Porter en voit déjà 36. D’ailleurs, Carter ne rate jamais ses débuts de match alors que Porter lui vient rarement à l’heure un samedi matin.
Cette différence de robustesse pourrait-elle s’expliquer par la préparation d’avant-match, sensiblement différente pour l’un et pour l’autre ? La star des All Blacks se contente d’un entraînement léger la veille d’une rencontre importante, ce qui contraste manifestement avec un Porter qui mise tout sur le vendredi soir ! Bière, vin ou vodka, Porter joue la carte de l’alternance et se donne à fond, tout le temps.
Une fois sur le terrain, leur talent se révèle au grand jour. Solides en défense, ils ne laissent rien passer – Porter se régale même à infliger d’énormes tampons aux boîtes aux lettres. En clair, l’ennemi finit toujours par terre (adversaires pour Carter, lettres pour Porter, quand ce n’est pas lui). Il faut dire aussi que leur placement défensif est parfait. Le repli défensif de Carter en couverture est à montrer dans toutes les écoles de rugby. On pourrait presque dire la même chose au sujet de l’Anglais, lui qui refuse de lâcher sa couverture le samedi matin.
En attaque, ils sont tous deux flamboyants, bien que leurs styles soient différents. Carter a tendance à jouer au large, alors que Porter préfère partir au ras des boîtes aux lettres. Peu importe la manière, ils déchirent régulièrement le premier rideau ! En particulier Dan Porter, qui fait des carnages dans sa douche, les matins d’avant match.
Chacun s’appuie sur des qualités exceptionnelles : Carter, de par sa vitesse, sa technique et sa vista, contourne aisément ses adversaires. Porter, lui, mise sur sa puissance et son tempérament téméraire pour aller percuter des taxis, raffûter des poteaux et enfoncer des murs !
Altruistes au possible, ils aiment faire jouer leurs partenaires. Carter offre des ballons en or à ses coéquipiers quand Porter crée du boulot pour ses collègues, en re-balançant dans des boites aux lettres des gros tas de lettres qu’il n’a pu délivrer… On peut ainsi affirmer que ces deux là sont devenus maîtres dans l’art de gérer les situations de surnombre !
Leur principale qualité est certainement leur sens de l’anticipation : lorsque Carter voit ses avants sonner la charge, il sait déjà de quel côté mener l’offensive – et ce avant même d’avoir le ballon entre les mains. Porter pareil : lorsqu’il entend son téléphone sonner à 7h30 un matin où il est censé bosser à 7h, et qu’il reconnaît depuis son lit le numéro de son boss, il sait déjà – avant même d’avoir le téléphone entre les mains – qu’il va charger…
Résolument tournés vers l’avenir, le Britannique et le Kiwi pensent déjà à leur prochaine tournée. Celle de Carter devrait l’amener en Europe au printemps prochain, tandis que celle de Porter devrait se dérouler au Sullivan’s pub, samedi prochain. Avec un même rêve en toile de fond : soulever la Coupe en 2007 ! (Coupe du monde de rugby pour Carter, coupe de champagne pour Porter une fois qu’il aura raccroché les pédales).
Mais alors, s’ils ont tant en commun, comment distinguer un Dan Carter d’un Dan Porter ?
La plus grosse différence entre les deux artistes réside dans le fait que Dan Porter est beaucoup plus sage, beaucoup moins fêtard que le Néo-Zélandais… En effet, à l’issue de leurs exploits respectifs, Dan Carter ne rechigne jamais à aller se mettre des pintes de bières pour refaire le match avec ses copains à l’Holy Grail, tout en trinquant à l’occasion avec ses admirateurs (admiratrices plutôt), tandis que Dan Porter rentre direct se coucher, pas du tout enclin à refaire sa journée de facteur…