Dans l'entrepôt de Body Shop à Wellington
Lors d’une année en visa vacances-travail, lorsque les caisses sont vides ou presque, inutile de faire les difficiles. Alors, quand une opportunité de job se présente, il faut la saisir. Et peu importe si le job en question n’est pas des plus stimulants !
Voilà déjà trois semaines que je bosse à l’entrepôt de Body Shop, à Wellington.
Mon boulot est tout con, je dois coller des étiquettes sur les différents produits…
Parfois, je me tape les livraisons, et là c’est cool, ça change un peu – je trimballe un van Body Shop à droite à gauche, un peu partout dans la région de Wellington.
Coller des étiquettes, ce n’est guère excitant. A vrai dire, je m’ennuie à mourir ! Heureusement que James est là pour instaurer la bonne humeur dans l’entrepôt.
James, c’est le boss. Il est énorme : un bon vieux Kiwi, un bide qui a dû ingurgiter des tonnes de bières, des bras de déménageur, un accent à couper au couteau et une bonne humeur sans égale !
Ce type-là n’est jamais stressé, jamais contrarié, bref, c’est un plaisir de bosser pour lui.
Le plaisir surtout, c’est de bosser avec la musique à fond ! James est féru de gros sons américains : au sein d’une même journée, on a droit à du Metallica, du Red Hot Chili Peppers, du Green Day, du Foo Fighters.
Quand un morceau lui plaît, on peut entendre le James, au loin dans son bureau hurler : « Wahooouuu !! », ou bien « Yaaahoooo !! » ou parfois même « Yahaaaaa !! ».
Je crois que son groupe préféré, c’est Tool. Quand il insère l’album « Aenima » dans la chaîne, il met systématiquement le son au volume maximum. Il hoche la tête en rythme, s’extasiant sur les riffs lourds et puissants du groupe californien. Il s’attend à ce qu’on fasse de même, mais si on ne joue pas le jeu, tant pis — James n’est pas contrariant.
Régulièrement, il passe devant chaque allée et gueule : « Attention !! Gros, gros morceau à venir !! Soyez prêts !! ». Si vraiment le morceau est très bon, il le met en mode repeat.
Il y a un Cambodgien qui bosse avec nous, Sari. Ce gars-là est arrivé il y a quelques mois seulement à Wellington et ne maîtrise pas encore la langue anglaise. La musique rock ne coule pas dans ses veines, mais James ne désespère pas de le mettre rapidement à la page. « Sari, toi qui es Cambodgien, tu dois pas connaître ça ! Ecoute, ça va te plaire ! ». Et il balance le dernier album de Weezer à fond dans les enceintes.
Sari se fait vite à la culture anglo-saxonne. Il a même appris à jouer au rugby. C’est Henare, un Maori, qui s’est chargé de lui enseigner les bases de ce sport. Désormais, les passes vissées, les touches longue distance et les coups de pied rasants n’ont plus aucun secret pour le Cambodgien.
Faut dire aussi que Henare, c’est une bête de rugby. Il a 19 ans, pas très grand mais hyper musclé, de l’énergie à revendre, une explosivité incroyable (parfois, au détour d’une allée, je l’aperçois, ballon en main, il s’amuse à faire quelques accélérations et quelques changements d’appui avant d’asséner un virulent coup d’épaule à une grosse pile de cartons pleins – c’est vraiment impressionnant) et surtout, il est extrêmement doué ! A chaque pause, je le vois s’entraîner : il pose un carton sur une table à une quinzaine de mètres de lui, et enchaîne les séries de passes – côté fort puis côté faible – de coups de pieds, et de touches avec une précision inouïe ! Les ballons finissent toujours en plein milieu du carton. Il évolue au poste de numéro 12 au sein de la sélection régionale (Wellington Rugby) des moins de 19 ans, ou moins de 21 ans je ne sais pas très bien, mais en tout cas, je suis sûr qu’il a un bel avenir devant lui.