Mise au vert : wwoofing à Silverstream
Le WWOOF (« World-Wide Opportunities on Organic Farms ») est un réseau mondial de fermes bio créées en Angleterre en 1971 qui se proposent d'accueillir toute personne souhaitant partager leur quotidien et leurs travaux en l'échange du gîte et du couvert.
Ça y est, on y est. On est là, au milieu de nulle part, dans cette campagne complètement paumée plutôt proche de Silverstream, un bled complètement paumé aux alentours de Upper Hutt, une ville complètement paumée dans la banlieue éloignée de Wellington…
On est là en tant que ‘wwoofers’ (travailleurs volontaires dans une ferme organique). Apparemment, les wwoofers ici ne sont pas légions. Dans le train qui nous conduisait à Silverstream, les gens nous regardaient bizarrement. On était peut-être les premiers non-Kiwis à grimper dans ce train !
On est arrivés à Silverstream mercredi aprèm, sur les coups de 16 heures, mais la fermière ne pouvait nous chercher avant 21 heures… On a ainsi dû patienter jusqu’à 21 heures dans ce village où la principale (et unique !) rue se résume à une école, un supermarché, et un jardin d’enfants.
Ça valait le coup d’attendre si longtemps dans le froid glacial d’une nuit automnale à Silverstream. La ferme, gérée par Carolann et Andrew, est fortement sympathique. On y côtoie des vaches, des chevaux, des cochons évidemment, des poules aussi, ainsi qu’une poignée de chiens. Je pense qu’il y a des moutons également. Oui, c’est obligé, ici, des moutons y en a de partout.
Ça fait du bien quand même, cette mise au vert. Et le paysage vaut le déplacement, mais pour en profiter, il faut attendre que la brume se soit dissipée puis grimper en haut de la colline derrière la maison (par contre là c’est ‘Interville’, faut passer à toute vitesse au milieu des vaches et des taureaux qui cavalent après nous !).
Ici, c’est à l’ancienne. Pas de connexion à Internet, pas de réseau pour l’ordinateur portable, pas d’eau chaude avant 18h30 (ça marche à l’énergie solaire…), pas de musique dans la maison, bref ça change de nos habitudes ! On a tout de même une télé qui capte quatre chaînes, dont les trois plus nazes de tout l’hémisphère sud, plus un magnéto qui nous servira à visionner les épisodes de la série « Hogan’s Heroes » le jour où l’on déprimera pour de bon (ça a l’air complètement bidon cette série, mais on n’a pas vraiment le choix niveau cassettes…).
Récemment, on a regardé « Night Flight From Moscow », un film que je recommande à tous ceux qui veulent perdre 1 heure 47 de leur vie. Sinon, pour occuper le temps, on lit des bouquins, on fait la sieste, on regarde la pluie tomber, et on cuisine. Non je vous rassure, je ne me suis pas mis à la cuisine ! Je lis les recettes, et mon ami Pécanio se charge de les appliquer… Aujourd’hui par exemple, il a fait du pain.
Vous l’aurez compris, la vie de « wwoofer », c’est hyper sain, et d’ailleurs on se couche tôt, on se lève tôt (on prend même un petit déjeûner avant d’aller dans les champs) et on ne boit pas d’alcool (en attendant qu’Andrew nous ramène un pack de bière lors de sa prochaine excursion en ‘ville’…).
Le concept du wwoofing, comme je l’ai dit, c’est sain, mais en plus c’est bien sympa : on est nourris et hébergés en échange de quelques heures de travail quotidien. En gros, on bosse 4 heures, on se fracasse le dos, on attrape la crève, on se prend des coups de marteau sur les ongles, mais au moins on a notre propre confort ; notre maison étant à l’écart de la ferme principale habitée par Carolann et Andrew.
En plus, on ne peut pas faire la fine-bouche : depuis que le van a rendu l’âme, tout dollar économisé, c’est de l’or en barre. A ce propos, ici c’est bien cool : depuis qu’on est là, j’ai dépensé 0$ ! Le pire, c’est que j’aimerais bien dépenser, ne serait-ce qu’un peu, histoire de me procurer au moins le journal, mais pour aller en “ville”, il faut compter dix bonnes minutes en voiture… A pied ou à vélo, avec la montée, la pluie, le froid et le vent, c’est injouable.
Mais tant pis ; la mise au vert on la voulait, et maintenant, on l’a pour de bon ! On se sent complètement coupés du monde mais ce n’est pas pour nous déplaire, en définitive (attention, y a des limites quand même ! je ne pense pas qu’on puisse tenir bien longtemps ici…).
Nos premiers pas dans le milieu du wwoofing se sont avérés… comment dire ? Stupéfiants ? On a pilé du charbon avec un petit marteau pour fabriquer de la peinture naturelle, on a creusé un trou autour d’un arbre qui n’avait rien à faire là pour pouvoir ensuite l’enlever, on a peint un enclos avec notre super peinture fraîchement créée, et on a séparé des graines microscopiques de je n’sais quoi noires qui étaient mélangées avec d’autres graines microscopiques de je n’sais quoi mais blanches… A priori, les jours à venir devraient être consacrés à la deuxième puis la troisième couche de peinture. Il se peut qu’on continue à trier les graines, également. On verra bien. De toutes façons, comme il n’y a rien à faire, même la tâche la plus ingrate nous divertit et nous fait plaisir…