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À la découverte d'Osaka

Osaka, 3ème ville du Japon, n’apparaît probablement pas sur de nombreux itinéraires empruntés par les voyageurs au Japon. Pourtant, c’est ma porte d’entrée dans ce pays, et je tiens à explorer cette ville, persuadé qu’elle a beaucoup à offrir. Afin de me débarasser de toute influence, bonne ou mauvaise, je débarque au Kansei International Airport sans guide, ni plan, et convaincu que les trois seuls mots de japonais que je connais ne constitueront pas un obstacle insurmontable.

J’arrive un vendredi soir à Osaka. J’ai tout de même pris le soin de réservée au préalable une auberge sur internet, La Kongo Youth Hostel, qui se situe dans le quartier de Nippombashi.

La première difficulté consiste à se procurer un ticket de métro (les machines dans les stations paraissent très compliquées à première vue). Une fois mon précieux sésame pour Nippombashi en poche, je n’ai qu’à suivre les instructions du personnel très aimable de la Nankai Railway : descendre à la station Tengachaya pour transférer vers la Sakaisuji Line afin de rallier Nippombashi.

Je parviens tardivement à La Kongo Youth Hostel. C’est un petit hôtel bon marché, très calme (la rivière Dotombori est juste en bas). Qui plus est, son emplacement est idéal : il se trouve à deux pâtés de maison du quartier très animé de Dotombori, comme me l’explique le très sympathique manager népalais. Fatigué du voyage, je me couche tôt – je repousse au lendemain l’exploration de Dotombori.

Etonnant spectacle qu’est Osaka un samedi matin. M’étant levé de bonne heure, j’arpente sur les coups de neuf heures les rues entre Dotombori et la gare de Namba. J’ai besoin d’un café. Bien qu’il soit tôt, je trouve la ville étonnamment endormie. Les rues sont pour ainsi dire, quasiment désertes. Pis, je ne trouve pas le moindre café ouvert. J’opte alors pour la solution locale : je me prends une canette de café au lait dans l’un des innombrables distributeurs que l’on trouve dans les rues. Chaud ou froid, j’avais le choix. Quoique très gourmandes en terme de consommation d’énergie, ces machines sont quand même bien pratiques. J’entre ensuite dans un magasin Tatsuya. Tandis que j’écoute des disques de rock japonais, je me demande comment une ville si peuplée peut être si tranquille un samedi matin… Peut-être qu’Osaka, si active en semaine, a tout simplement besoin de se reposer tout le week-end durant…

Que nenni ! A onze heures, en sortant de Tatsuya, je me trouve emporté par les vagues humaines qui déferlent des sorties de la station de Namba. Les restaurants, ouverts subitement quelques minutes auparavant, sont déjà pris d’assaut. Le grand magasin de produits électroniques Bic Camera ouvre à peine ses portes que la foule s’y engouffre aussitôt. Des jeunes, au look très branché, accélèrent le pas avant de se jeter, tête première, dans leur boutique préférée. Les salles de pachinko, quant à elles, sont vite envahies par des gens de tout âge et je m’en écarte le plus rapidement possible – le brouhaha que produisent ces machines m’explose les tympans.

Je n’ai qu’une hâte, c’est de rassasier mon estomac. L’un des grands avantages de ce pays, c’est que l’on mange bien partout. Amateur de donburi (grand bol de riz garni de divers ingrédients), je décide d’entrer dans le premier restaurant du genre que je trouve en chemin. Je me retrouve ainsi dans un petit restaurant au cœur d’une galerie commerçante. Assis au comptoir, entouré d’habitués – certains semblent être des collègues de travail, d’autres sont venus seuls – j’ai l’impression de figurer dans le « Gourmet Solitaire », la BD de Jiro Tanigushi. Je commande un katsudon (bol de riz avec du porc). Une cuisine rapide, simple, bon marché, et néanmoins copieuse. Pour 380 yens seulement (soit 3,40 euros), je me régale.

Mon plat avalé, je me rends au parc Osaka-jo-koen. C’est hanami, la grande fête du printemps ; tout Osaka se réunit dans ce parc pour célébrer le retour du printemps et admirer les sakura, les cerisiers en fleurs, symboles du Japon. J’y retrouve des membres de la communauté Couchsurfing (regroupant des voyageurs du monde entier), qui organisent ce jour-là un pic-nic au milieu des cerisiers en fleurs. Le cadre est magnifique – Osaka-jo, le majestueux château d’Osaka, domine le parc fleuri, en contrebas duquel s’écoule la paisible rivière Okawa. Locaux, expatriés et touristes de passage se retrouvent. C’est l’occasion pour moi d’en apprendre un peu plus sur les raisons qui attirent les gens ici. Je discute avec Luigi, un étudiant en médecine, né à Osaka, et avec Ishiro, un ingénieur originaire de Tokyo. Tous deux apprécient la qualité de la vie qu’offre Osaka. « La vie ici est beaucoup moins stressante qu’à Tokyo, me confie Ishiro. Ici, les rapports humains sont plus sincères ; les gens prennent le temps de sa parler ». En outre, ces deux Japonais ne tarissent pas d’éloges sur la cuisine locale. Aux dires de Luigi, « c’est certainement la meilleure du Japon ». Ishiro confirme. Toutefois, pour goûter le meilleur bœuf, il faut vraisemblablement se rendre à Kobe. « C’est cher, me précise Ishiro, mais ça en vaut vraiment la peine ! ».

Taisei, un ami d’Ishiro, rejoint le groupe. Venu en voisin depuis Minami Kusatsu (une petite ville appartenant à la province de Shiga, à l’est de Kyoto), il n’hésite pas à faire les 50 kilomètres qui le séparent d’Osaka dès que l’occasion se présente. Originaire de Fukuoka dans l’île de Kyushu, Taisei m’explique dans un français très correct (il apprend le français en autodidacte depuis un an) : « le Kansai est une région très dynamique ; je suis venu ici pour trouver du travail. Bien sûr, Kyushu me manque énormément, mais je commence à bien aimer cette région. Ma maison est à Minami Kusatsu : c’est une ville à taille humaine, très paisible. Mais j’apprécie la proximité avec Osaka, car pour faire la fête, il n’y a pas mieux qu’Osaka ! ». Puis il sort de sa besace une bouteille de saké japonais et nous verse des rasades dans les gobelets en plastiques apportés par son ami Ishiro. Kanpai !

Manifestement très heureux de pratiquer son français, il me propose de m’héberger chez lui, si jamais je compte visiter Kyoto dans les jours à venir. « Ce serait avec plaisir, mais dès demain, je retrouve trois amis français – nous serons donc quatre personnes, et… ». Taisei ne me laisse pas finir ma phrase : « pas de problème ! Ma maison n’est pas très grande, mais ma femme et moi-même vous recevrons avec plaisir ! ». Un dernier kanpai et le rendez-vous est pris pour le mercredi suivant.

Rentré à l’hôtel en début de soirée, je croise le manager. Celui-ci persiste : la nuit tombée, c’est à Dotombori qu’il faut se rendre. J’essaie d’en savoir davantage sur le quartier, mais Bijay – c’est le nom du manager – n’est pas en mesure de me renseigner. Nostalgique de son pays natal, la discussion dévie vers le Népal. A grands coups d’envolées lyriques, il me décrit la terre de ses ancêtres. Je me surprends à rêver et m’imagine sur le Toit du monde. Puis je sors, prends la première à droite et traverse deux pâtés de maison.

Retour sur terre ; je suis aux antipodes du Népal. Dotombori, le quartier qui ne dort jamais. Des néons de partout, de gigantesques panneaux publicitaires lumineux, le bruit assourdissant des machines de pachinko et des hauts parleurs, la foule qui se bouscule autour des bars, les restaurants qui grouillent de monde. Un eldorado pour les funambules de la vie nocturne. Ou bien, la décadence de la race humaine. Personnellement, cet univers me convient – je trouve une telle animation absolument revigorante. Néanmoins, je ne sais pas dans quel bar aller – en fait, je ne sais pas exactement où ils sont ! Parfois au 2ème étage, parfois au 3ème, parfois à tous les étages. Les gens entrent et sortent des immeubles, mais de quels bars précisément ? J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de bars à thèmes. Malheureusement, comme les écriteaux sont en Japonais et que les fenêtres sont opaques, j’ai du mal à saisir l’atmosphère d’un bar avant d’y avoir mis les pieds.

Certes, une multitude de bars et de restaurants donnent sur la rue et sont en effervescence. Seulement, j’aperçois trop de touristes alors que c’est au contraire le dépaysement que je recherche avant tout.

C’est ainsi qu’après avoir ratissé en vain la rue Dotombori en quête d’une bière, je me résigne et me dirige vers les rues adjacentes. Après avoir salué Glico, la mascotte d’Osaka (le fameux athlète en néon), je traverse le pont d’Ebisubashi, sans trop savoir où cela me mène.

Si la plupart des bars se trouvent en hauteur, il y en a également en sous-sols. C’est une douce mélodie qui me le fait savoir. Intrigué par cette musique intemporelle qui semble flotter au dessus de cette petite perpendiculaire de Shinsaibashi Mido-Suji, je suis mon instinct et me retrouve dans une galerie sous-terraine. Premiers pieds dans le Osaka underground.

Je pénètre dans ce minuscule bar d’où émane la musique. C’est une pianiste qui joue ; sa voix est envoûtante. Trois hommes d’une cinquantaine d’années, accoudés au comptoir, hochent la tête suivant le rythme de la mélodie. L’atmosphère est si intimiste que je dois chuchoter au barman pour commander ma bière ! Malheureusement, je ne saurai dire le nom de ce bar – l’inscription étant uniquement en Japonais.

Cette galerie sous-terraine foisonne de bars en tout genre. Il y en a pour tous les goûts, pour peu qu’on aime le rock alternatif : bar gothique, bar punk/hardcore, bar country, etc. Mon second choix s’oriente vers le Pink Elephant (Mitsutera-Kaikan B1F 2-9-5, Nishi Shinsaibashi, Chuo-Ku, Osaka), dont la devanture est tapissée d’affiches de vieilles gloires du rock, tels que les Stones, le Velvet Underground ou les Sex Pistols. En ouvrant la porte, je constate que le bar n’est pas officiellement ouvert ; c’est encore trop tôt. Un jeune homme aux cheveux longs s’affaire derrière le comptoir ; il m’aperçoit et me fait signe d’entrer.

Ravi d’avoir un client étranger dans son établissement, le serveur aux cheveux longs me parle fièrement des groupes japonais qu’il aime, me faisant écouter au passage quelques morceaux excellents d’un groupe nommé The Blankey Jet City (pour les connaisseurs, un groupe dans la veine de Thee Michelle Gun Elephant, bien que plus ancien). L’anglais du serveur est très approximatif, mais notre amour réciproque pour la musique rend la communication très facile. De toute manière, dans ces moments-là, nul besoin de se parler pour se comprendre. Je sais tout juste qu’il s’appelle Kaku. Je descends ma bière, il finit son double whisky. Le son est au volume maximum, les murs vibrent. Ça ne dérange personne ; je suis toujours le seul client.

En sortant, je réalise que je n’ai toujours pas dîné. Cette fois-ci, ce n’est pas une mélodie qui m’attire, mais une odeur divine pour tout homme aussi affamé – l’odeur caramélisée des yakitoris !

Si ce n’était pas pour l’odeur, je n’aurais jamais remarqué ce local sur Higashi-Shinsaibashi : au 2ème étage d’un petit immeuble légèrement en retrait, il est difficile en marchant d’apercevoir le restaurant Kawaguchi. Néanmoins, mon sens olfactif m’aura bien guidé : les brochettes de poulet cuisinées devant moi sont merveilleuses – un véritable délice pour mes papilles !

Dotombori n’a fini de me dévoiler ses secrets. En déambulant du côté de Shinsaibashi, ma curiosité m’attire vers la porte d’Origins, un minuscule bar sur laquelle est écrit en lettres rouges : « english menu here ». Je me dis « tiens, c’est bizarre, je vois mal des étrangers s’aventurer dans ce petit bar de quartier… ». Il me semblait d’ailleurs que ces bars, à l’instar de ceux que l’on trouve dans le quartier Golden Gai à Tokyo, étaient en quelque sorte « réservés » aux clients japonais. Sans trop tergiverser pour autant, j’entre et m’exclame : « konnichiwa ! Euh… do you have an english menu ? ». L’une la serveuse, un peu surprise, me répond « just a little, just a little »… Elle devait penser que je lui demandais si elle parlait anglais, car en tout cas, des menus en anglais, il n’y en avait pas le moindre ! Quoiqu’il en soit, le gaijin (étranger) que je suis semble être le bienvenu à Origins.

Dès mon entrée, tous les clients (sept au total – le bar était bondé) se tournent vers moi et me saluent chaleureusement. La serveuse écarte promptement deux hommes au comptoir pour me faire une place – debout devrais-je préciser, car je n’exagérais pas quand je disais que ce bar était minuscule : un véritable trou dans le mur ! 10m2 tout au plus, aucun tabouret, mais une convivialité sans égale autour du comptoir ! Au Japon, ce genre d’établissement s’appelle un standing bar. Il semble que tous les clients présents ce soir-là sont des habitués. A ma gauche, certainement des salarymen, toujours en costume-cravattes, venus boire un verre après le travail. De l’autre côté, des gens bien plus âgés – peut-être des retraités. L’atmosphère est joviale et détendue. Je perçois une certaine osmose dans ce bar au milieu de ces habitués, où chacun y va de sa plaisanterie. Je ne suis pas mis à l’écart pour autant.

Alors que je commande un verre de vin, la serveuse me pose une question, que je ne parviens pas à comprendre. Elle modifie sa prononciation, les mots tournent dans ma tête mais je ne vois pas de quoi il s’agit : « kantali wah ? », « kuntali weh ? ». Petite scène amusante : elle cherche de l’aide auprès des sept autres consommateurs ; chacun réfléchit mais personne ce soir-là ne se souvient des bases en anglais. Cinq bonnes minutes plus tard, ils s’excusent – c’est finalement le iPhone de la serveuse qui sert de traducteur : elle me montre l’écran ; je lis « country where ». Difficile de ne pas être touché par un tel effort pour me demander d’où je viens et établir une conversation !

Ce qui est incroyable dans un tel endroit, c’est que les complications pour formuler des questions toutes simples et y répondre ne constituent pas un frein à la communication. La discussion se fait par des gestes, des regards, des expressions du visage. Par exemple, lorsque j’ai mimé le geste à mon voisin de droite (un vieil homme édenté, probablement un habitué de longue date) pour savoir si le saké se buvait cul-sec ou non, j’ai bien compris à sa réaction qu’il s’agissait d’un sacrilège si je le buvais cul-sec !

Alors que j’essaie de retrouver mon hôtel, la nuit est déjà bien avancée. Les rues sont plus calmes, mais les néons clignotent toujours. Je salue à nouveau Glico, cet athlète qui ne baisse jamais les bras, avant de retraverser le pont d’Ebisubashi. Je repense au bar Origins et finis par comprendre la signification de la phrase « english menu here » : ici, les étrangers sont les bienvenus.

Le dimanche matin, en dépit d’une courte nuit, je me lève tôt pour aller accueillir à la gare de Namba mes trois amis français : Jean-Christophe, Eric et Henri, lequel est d’origine japonaise et parle de la sorte japonais couramment.

Après avoir déposé nos bagages dans l’hôtel que nous avons réservé, nous trouvons la motivation pour nous rendre à Tempozan, à l’ouest de la ville, pour voir le Kayukan, l’aquarium d’Osaka. Considéré comme l’un des aquariums les plus impressionnants au monde, sa réputation n’est pas usurpée ! Que ce soient le requin-baleine, le manchot royal ou le dauphin à flancs blancs, les espèces que l’on croise sont magnifiques.

A Tempozan, il n’y a pas que le Kaiyukan. En fait, c’est un petit ilôt dédié aux loisirs. Pour ceux qui ne sont pas inspirés par les fonds marins, d’autres options s’offrent à eux. En premier lieu, la grande roue d’Osaka, qui offre une vue imparable sur la baie d’Osaka, à condition de ne pas avoir le vertige bien entendu. Autrement, la Tempozan Gallery mérite une petite visite. Outre son foodcourt, ses salles de pachinko et ses machines à sous, ce centre commercial abrite notamment un magasin entièrement consacré à la série « One Piece ». On y trouve tous les articles possibles et imaginables à l’effigie des héros de ce manga culte : figurines, draps, casquettes, serviettes, puzzles, etc. Juste au-dessus, c’est le magasin « Hello Kitty » qui draine les visiteurs.

On ne s’attarde pas, car c’est déjà l’heure du déjeuner. De retour au centre-ville, je retrouve dans mes poches une adresse que m’avait recommandée un Japonais la veille. Nous allons ainsi à Yukari (rue Semnichimae à Dotombori). Restaurant réputé pour ses okonomiyaki (spécialités locales : espèces de galette fourrée à la viande ou aux fruits de mer, recouverte d’une sauce spéciale et cuite sur une plaque incrustée dans la table). Repas excellent, quoiqu’un peu lourd – nous n’arrivons pas à finir nos galettes.

Nous décidons ensuite de passer l’après-midi à Umeda, le nord de la ville. Accessible en moins de dix minutes de Namba grâce à la Midosuji Line, c’est une tout autre facette d’Osaka que nous découvrons à Umeda. Ici, les immeubles sont bien plus hauts ; les businessmen plus pressés. Si Namba (partie sud du centre ville) est réputée pour ses bars et restaurants, Umeda, au nord, représente en revanche le véritable poumon administratif et commercial d’Osaka.

On ressent ici le Japon moderne, dynamique, tourné vers l’avenir. L’énergie qui s’en dégage est saisissante.

Pour mieux appréhender cet aspect de la ville, rien de tel que de monter au sommet du Sky Building, un gratte-ciel moderne en haut duquel le panorama offert est époustouflant. On apprécie au nord la Yodo River et tous les ponts qui l’enjambent. A l’ouest : la Osaka Bay, avec ses ports gigantesques, ses îles artificielles, ses parcs d’attractions. Quand à l’est et au sud, la ville semble se déployer à l’infini.

On a surtout la sensation qu’Osaka est entrée de plein pied dans le nouveau millénaire. Le futur est ici bien présent – on voit même devant nous une branche d’autoroute s’enfoncer dans un immeuble de bureaux. Le Sky building, de son côté, donne carrément l’impression qu’il a été conçu pour accueillir des navettes spatiales. Personnellement, je pourrais rester des heures sur ce toit, fasciné, émerveillé par cette vision à 360°.

A l’heure du dîner, nous avons rendez-vous avec Nicolas et Yukari, un couple franco-japonais, récemment marié. Yukari, originaire de Nagoya, connaît relativement bien Osaka dans la mesure où son père est installé là. Elle a reservé une table à Shima-Uta (au 2ème sous-sol du Dai-San build à Umeda). On m’apprend que c’est un restaurant de style Okinawa. Nous sommes tous assis en tailleur autour de longues tablées – un peu de gymnastique ne peut pas nous faire du mal. Le travers de porc que l’on m’apporte est incroyable : à la fois goûteux et fondant en bouche, il est si tendre qu’on le découpe aisément avec des baguettes. La bière servie est une Orion, brassée à Okinawa. Rafraichissante et légère, c’est exactement ce dont j’avais besoin. Un groupe de musiciens prend possession de la petite scène aménagée et se charge de mettre l’ambiance. Les instruments sont pittoresques, le son qui s’en échappe est unique. Le rythme s’accélère. On se lève, le groupe nous apprend une chorégraphie, puis c’est parti pour une chenille à l’intérieur du resto. Chacun se tape dans les mains en se croisant. Ambiance de folie, qui ne donne qu’une envie : découvrir Okinawa lors d’un prochain séjour au Japon !

Pour faciliter la digestion, je suggère à mes amis d’aller boire quelques saké dans les bars que j’avais découverts la veille.

Première étape : le Pink Elephant. Kaku me reconnaît et semble très heureux de voir quatre clients entrer en même temps dans son bar. Il nous verse des whisky Suntory, car, nous dit-il, c’est « very good, very good ! ». Il n’a pas tort. En tout cas, c’est évident que Kaku l’adore ce whisky – pour chaque verre que nous buvons, il descend un double whisky. Par l’intermédiaire de mon ami Henri qui parle japonais, Kaku nous fait savoir qu’il aime la musique française. Il connaît déjà Air, Phoenix et Daft Punk, et aimerait qu’on lui fasse écouter d’autres groupes via nos iPods. On lui met du Noir Désir. Kaku hoche la tête, verre de whisky en main ; il se régale. Nous le laissons sur cette impression de la France car je tiens à emmener mes amis au Bar Origins avant qu’il ne soit trop tard.

Au bar Origins, la serveuse a changé, mais le bar est toujours aussi bondé, et certaines têtes me sont familières. Notamment celle du salaryman à l’extrémité de la table. Il me reconnaît ; les présentations sont plus faciles avec la présence d’Henri. Le salaryman se prénomme Nori. C’est un fidèle de ce bar. Visiblement, il apprécie la présence de quatre Français dans le troquet de son quartier, car il nous paie sa tournée juste avant de s’en aller. L’ambiance est toute aussi chaude que le soir précédent. Cette fois-ci, c’est une partie de bilboquet qui s’organise (jeu d’adresse composé d’une tige en bois, reliée par une cordelette à une boule percée). Nori revient, à nous d’offrir la tournée – kanpai ! Nous apprenons des chansons françaises aux clients présents, tout en imaginant une chorégraphie. La répétition générale se fait dans la rue ; l’atmosphère de cette nuit à Osaka est purement magique. Certains Japonais sont venus boire un verre directement après le travail, nous explique Henri. Ils repartent complètement éméchés – nous devons même porter jusqu’à un taxi un jeune employé qui devait travaillait le lendemain matin à huit heures.

La fatigue nous envahit, mais nous ne voulons pas quitter Osaka. C’est ainsi qu’à la fermeture du bar, au lieu de retourner à l’hôtel, nous suivons les derniers clients au Vanguard, un bar à gyoza dans le quartier de Shinsaibashi. C’est un standing bar également. Les tables rondes sont hautes ; il n’y a pas de tabouret. Ils vont là car ils ressentent le besoin viscéral d’avaler une assiette de gyoza tout en dégustant une dernière bière. Pourquoi pas. Et de toute façon, chez Vanguard, les gyoza sont tout simplement excellents. Nous les savourant lentement, puis nous disons au revoir à nos amis d’un soir avant de disparaître dans la nuit en emportant avec nous des souvenirs d’Osaka qui resteront gravés à jamais…