Car crash in Central Otago !
J’aurais très bien pu intituler ce post « miracle in Central Otago », suite au spectaculaire accident dont on est sortis indemnes dimanche soir ! Je venais de passer le week-end à Wanaka, une jolie petite station balnéaire, située au bord d’un lac et au pied d’une chaîne montagneuse (les Southern Alps). Moins réputée et plus calme que Queenstown, Wanaka reste tout de même l’un des hauts lieux des sports extrêmes en Nouvelle-Zélande et dans le monde. Le comble, c’est que j’aurai eu ma dose d’adrénaline non pas à Wanaka même, mais sur le chemin du retour !
Comme la route principale entre Wanaka et Christchurch était fermée à cause de la neige, on a dû faire un grand détour pour rentrer, traversant au passage les vastes plaines enneigées au cœur de l’Otago. Colette (une Equatorienne de 28 ans, d’origine française) conduisait la voiture, une voiture que sa coloc’ lui avait gentiment prêtée pour le week-end…
A l’arrière se trouvait Marijn, une Hollandaise de 19 ans qu’on avait embarqué après qu’elle ait lu l’annonce que Colette avait laissée dans un backpacker de Wanaka, une annonce qui visait à savoir si des personnes étaient prêtes à partager les frais d’essence pour aller à Christchurch.
Au moment de l’accident, donc, Colette était au volant. J’avais conduit lors du trajet aller, mais la cuite et la fatigue de la veille m’avaient forcé à renoncer pour le retour.
Colette, qui n’était pas habituée à rouler avec un temps pareil, était prudente, mais les conditions climatiques se sont dégradées à une vitesse ahurissante : soudain, la température a chuté, la chaussée est devenue hyper glissante, et il s’est mis à neiger tellement fort que la visibilité est soudainement devenue extrêmement faible !
C’est vers 19 heures que Colette a crié « merde, je perds le contrôle ! ». Grosse montée d’adrénaline. Le Space Mountain d’Euro Disney peut aller se rhabiller ! Deux 360° et un tonneau plus tard, on s’est retrouvés au bord d’un ruisseau, peut-être 10 mètres en contrebas de la route…
Je le répète : c’est un miracle ! Pas une égratignure, mis à part quelques bosses et des bleus pour chacun d’entre-nous. La voiture, en revanche, a bien morflé ! Là, je ne peux pas sortir mon classique : « pas d’éraflure ! ». C’est simple, la voiture ressemblait à une canette de coca qu’on aurait écrasée en appuyant fort avec un pied.
On est sorti du véhicule, ou plutôt de la boîte de conserve, en ayant strictement aucune idée de l’endroit où l’on se trouvait… Evidemment, nos téléphones portables ne captaient pas, et nos jambes s’enfonçaient dans la neige. Il faisait froid, très froid…
Nouveau miracle : sur cette route que personne n’emprunte, encore moins dans de telles conditions, on n’a même pas attendu cinq minutes avant qu’une voiture nous repère et s’arrête.
C’était un couple de paysans. Des gens d’une gentillesse inouïe ! Ils nous ont pris, nous ont conduit chez eux et nous ont hébergés. C’était fabuleux, j’avais l’impression de revivre la scène des Bronzés quand ils se retrouvent chez les montagnards (à partir de maintenant, si vous vous trouvez en compagnie de Fredo, demandez lui qu’il vous lise ce qui suit – je suis sûr qu’il vous fera à la perfection l’accent qu’avaient ces paysans là !)…
La femme nous a dit : « boudiou ! Après un accident pareil, bah faut manger ! ça vous f’ra du bien, un bon p’tit repas ! ». Et là, elle a ouvert une boîte en plastique contenant des vieilles saucisses fumées faîtes maison, honnêtement je ne préfère pas savoir ce qu’il y avait dedans, puis elle a sorti du placard des boîtes de conserves comprenant des spaghettis/sauce tomate absolument dégueulasses (demandez à Pécanio, il voit très bien de quoi il s’agit). Deux minutes plus tard, le dîner était prêt…
Tous à table, les trois accidentés et les deux paysans. J’ai voulu savoir où l’on se trouvait. Le type m’a expliqué : « C’est pas compliqué ! Ici, c’est l’Centraaal Otagooo. Là, on appartient à la commune de Kyeburn ! Le patelin le plus proooche est à vingt booornes ! Par cont’, faut rouler un peu plus pour aller à la ville : Ranfurly est à 40 booornes ! Z’avez d’la chance, à la ville, on y va une fois par mois, pour faire les commissions, et là, bah justement, eh bah on y revenait ! ».
Le type, un gros bonhomme à moitié chauve d’une cinquantaine d’années avec un accent incompréhensible, nous a également parlé de ses deux passions : la chasse et le curling. « Lundi, j’ai un tournoi de curling… si ça vous tente de rester un peu plus longtemps à Kyeburn, vous devriez venir ! C’est tellement passionnant le curling ! »
Puis le paysan nous a demandé si on voulait boire quelque chose. « Vous voulez pas un p’tit verre de rhum ?! Un bon p’tit verre de rhum, ça va vous r’quinquer ! ».
Chez les paysans, le portable non plus ne marchait pas… (« Oh c’est pas compliqué ! m’a dit le paysan, nous aussi on a l’pooortable ! Suffit d’aller sur la Grand’route, vous marchez même pas 300 mèt’, z’allez jusqu’au panneau là bas, et pis là bas, eh ben ça capte ! »).
Le matin, on a dû se réveiller aux aurores : les paysans allaient nourrir les vaches et les moutons. Ils nous ont ramené jusqu’à la voiture, afin qu’on récupère les affaires qu’on avait laissées à l’intérieur, puis nos chemins se sont séparés.
Je ne pourrais jamais décrire la beauté du paysage ce matin-là… J’ai pris des photos, mais elles ne retranscrivent en aucun cas le silence, la paix, le bien-être, et l’harmonie que nous réservait le Central Otago en ce lundi matin… C’était une vision féerique ; le soleil venait de se lever au dessus de ces vastes collines enneigées, le ciel était teinté de rose et de bleu, un léger vent revigorant soufflait discrètement, et l’on sentait que pas une âme n’habitait à des kilomètres à la ronde… Une jolie route verglacée, unique signe d’humanité dans ce coin retranché de la planète, traversait ces collines infiniment belles… Des traces de pneu sur le bas-côté indiquaient qu’une voiture avait décidé de périr ici…
A aucun moment durant l’accident je n’ai eu peur de mourir, en revanche, je ne me suis jamais senti aussi proche du paradis qu’en ce lundi matin !
Je suis rentré en stop avec Marijn, tandis que Colette restait un peu plus longtemps sur place afin de régler certains détails pour l’assurance.
Trois étapes furent nécessaires pour rallier Christchurch : la première de Kyeburn à Palmerston au nord de Dunedin avec une pauvre femme qui conduisait son gamin à l’hôpital, puis Palmerston-Oamaru avec un vieux gars d’Invercargill qui puait l’alcool à 10 heures du mat’ et auquel il restait deux dents, et enfin Oamaru-Christchurch en compagnie d’un type dépressif qui venait de se faire larguer par sa femme et dont la voiture ressemblait à une porcherie ambulante (j’étais sur la banquette arrière, au milieu d’une dizaine de frites macdo asséchées, de couches bébé usagées, d’un four micro-ondes, d’une canne à pêche, d’une maxi bouteille de coca, d’un frisbee et des quinze derniers exemplaires du « Otago Daily Times » pliées à la page « offres d’emploi »).
On est arrivés sains et saufs à Christchurch… Vraiment !



