Pensées durant l'escale à Kuala Lumpur
Dire que je suis un tantinet décalé, ce serait le plus loufoque des euphémismes ! Là, je suis en Malaisie, seconde et ultime étape avant que je pose les pieds sur le territoire néo-zélandais, et je dois bien avouer qu’en débarquant de l’avion, tout à l’heure, j’aurais eu bien du mal à vous dire si c’était le matin ou le soir, si j’avais eu à le faire. J’avais considéré le « good morning » du chauffeur de taxi comme une indication tout à fait valable, mais tous les plats de riz exposés sur le buffet du soi-disant petit déjeuner m’ont remis le doute…
En d’autres termes, je suis vraiment fatigué.
Le décalage est dû :
- au manque de sommeil que j’ai accumulé récemment.
Les dernières soirées, exceptionnelles à bien des égards, ont toutefois provoqué un chamboulement dans mes habitudes nocturnes. Certes, à l’accoutumée, je me couche tard, mais là, les nuits ont carrément été ajournées (je suis rentré chez moi à 9h30, samedi matin, et me suis réveillé – en vrac – à 13h30 pour aller suivre France – Irlande chez les grand-parents avec Fred (la nuit de samedi à dimanche fut également avortée, pour cause d’avion à prendre – je ne dormis que de 2h à 5h).
- au décalage horaire.
Soit on se met au fuseau français, soit on se met au fuseau néo-zélandais. Mais là, c’est complètement bâtard ! Je suis entre deux continents, entre deux avions, entre deux jours. Je ne sais même pas combien la Malaisie nous met dans la gueule. 7 heures ? Soit. Mais à vrai dire, cela ne sert à rien de le savoir, dans la mesure où je serai depuis belle lurette à Auckland lorsque mon organisme aura digéré ces 7 heures là…
- aux abus d’alcool & de café.
Non seulement, je n’ai pas encore décuvé des dernières soirées, mais en plus, je continue sur ma lancée (pour peu que l’on soit tatillons, on peut dire que la lancée ne remonte pas aux trois derniers soirs, mais aux huit dernières années…).
Entre les bières que j’ai bues dans l’avion, et celles que j’enchaîne, là, au bar de l’hôtel (une Tiger en bouteille et une pinte à la pression, c’est l’happy hour alors profitons-en), & celles que je me mettrai dans l’avion pour Auckland, je peux d’ores et déjà vous assurer que ma lucidité ne sera pas optimale lors de mon arrivée en terre kiwi…
Les cafés, c’est différent : d’habitude, je n’en bois pas tant que ça (quoique…). Là, j’en prends car je dois tenir, physiquement parlant – je veux rester éveillé pour ne pas rater une miette du trajet en avion. Car, mine de rien, il y a de quoi s’occuper dans ces carlingues-là ! D’une, j’ai pris avec moi Gonzo Highway, les correspondances d’Hunter S. Thompson. J’en ai commencées la lecture. Impossible de décrocher (les vrais génies sont tellement rares). Secondo, y a la carte à étudier. Leçon de géographie en temps réel, sur le terrain. Enfin, les repas (et ce qui va avec : vin et cafés, que je reprends volontiers) occupent une grande partie de mon temps. C’est pourquoi, dans un avion, je n’ai le temps ni de dormir, ni de mater un film (A quoi bon dormir alors qu’on peut le faire bien plus confortablement chez soi ? A quoi bon mater un film alors que ce ne sont que des pourritures à vomir ses tripes qui sont au programme au dessus des montagnes & océans ?).
Si je tiens le coup, c’est en partie en raison des milliers de café que j’ingurgite durant (et avant !) le vol, mais aussi – et surtout – en raison de la sensationnelle énergie qui s’empare de moi à mesure qu’Auckland se rapproche… Gageons qu’en des circonstances inverses, si c’était le vol du retour par exemple, vu mon état, et sans cette énergie là, j’aurais clamsé bien avant le décollage…
Fatigué, vous l’aurez compris, je le suis, mais ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que la fatigue entraîne pour ma part une perte de patience, ce qui accroît mon niveau de colère, d’intolérance et de violence… A propos de colère, je me suis fait une belle frayeur ce matin, ou hier matin je ne sais plus, à l’aéroport de Roissy – Charles de Gaulle. (Merde, un oiseau se balade dans l’hôtel, le gars pour l’attraper me cache la télé alors qu’à l’instant même débute la rediffusion du match que je n’ai pas pu voir ce week-end : Galles – Ecosse). Bon, la frayeur, la voici : j’ai bien cru, à un moment donné, ce matin, que je n’aimais réellement personne… Personne, pour de bon.
De ce gros beauf niçois moustachu qui empêchait les Américains de lui passer devant dans la queue du terminale 2F de CDG, à ce petit con hyper prétentieux tout fraîchement diplômé d’une belle école de commerce parisienne, en passant par cet abruti de black qui répondait « parce que vous faîtes la queue, comme tout le monde, un point c’est tout » au petit vieux qui poliment lui avait demandé pourquoi la queue était aussi longue ce jour-là, et cet imbécile derrière moi qui débitait sans pouvoir s’arrêter ses conneries à une fille entre deux âges qu’il cherchait vainement à draguer, et aussi, ce couple de pédés quinquagénaires qui transitaient par Kuala Lumpur avant d’embarquer à destination de Bangkok. Cette info-là, je la sais car je les entendais parler : ils étaient assis à côté de moi, le type juste à côté me donnait envie de gerber d’ailleurs. Difficile de trouver un type à l’expression plus malsaine & plus perverse. Doux Jésus, je n’ose imaginer ce qu’il allait faire en Thaïlande… Durant tout le vol, il feuilletait un magazine porno gay. Ecoeurant. Et quand il se levait pour aller aux chiottes, je l’imaginais très bien en train de se branler comme un forcené afin de jouir (et d’en foutre de partout) avant que son absence prolongée ne paraisse suspicieuse.
J’ai donc cru que j’étais un cas désespéré, car je n’aimais personne. Puis je me suis ressaisi (au moment même où un éclair de lucidité me traversa l’esprit) en réalisant qu’après tout, ces gens-là ne sont que des Français, et Dieu sait à quel point je n’aime pas mes chers compatriotes.