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Auckland Grammar School, ou la modernité dans la tradition

Située sur une verdoyante colline dans le quartier huppé d’Epsom, Auckland Grammar est une école secondaire publique exclusivement réservée aux garçons, fondée en 1850 et officiellement reconnue en 1868. Considéré par de nombreux Kiwis comme étant le plus prestigieux lycée du pays, Auckland Grammar School a également la particularité d’être l’un des principaux viviers du rugby néo-zélandais : pas moins de 52 All Blacks y ont ainsi fait leurs classes.

L’imposant bâtiment principal, construit dans un style colonial espagnol et vieux de plus d’un siècle, détonne dans le paysage urbain moderne de la plus importante métropole néo-zélandaise. Le lieu est chargé d’histoire ; de nombreuses personnalités néo-zélandaises ont fait leurs études ici, dont la plus célèbre d’entre elles, l’explorateur et alpiniste Sir Edmund Hillary.

Face au bâtiment principal se dresse un mémorial érigé en souvenir des Néo-Zélandais tombés lors de la première guerre mondiale. C’est là que nous retrouvons David Askew, Directeur du Développement des Sports au sein de l’établissement. Ponctuel et d’humeur joviale, David nous précise que l’ambiance n’est pas toujours aussi détendue — « les vacances d’été durent sept semaines, il faut que tout le monde en profite pour décompresser ! ». Profitant de la douce lumière matinale, nous demandons à David si nous pouvons le prendre en photo à cet instant. Simplement vêtu d’un short et d’un tee-shirt, ce dernier s’excuse dans un grand sourire : « pour un magazine français, je devrais être dans une tenue plus élégante ! ».

Nous nous dirigeons vers l’impressionnant hall principal. « Trop petit » aux dires de David — le lycée à l’origine n’avait pas été conçu pour accueillir 2500 élèves, comme c’est le cas aujourd’hui. David nous détaille alors le rituel quotidien : « chaque matin, tous les étudiants du lycée se réunissent dans cette pièce pour la réunion. Les aînés ont le droit de s’assoir, les autres tiennent sur les balcons tout autour. Un étudiant sonne la cloche ; toute l’école devient silencieuse. Le proviseur monte sur le podium. Tout le monde se lève. Puis le proviseur lit la prière ».

Le hall, tout aussi austère que majestueux, évoque le caractère élitiste de l’établissement et vante les mérites de ceux qui ont contribué à sa notoriété. Derrière l’estrade, on distingue le portrait de tous les précédents proviseurs (l’actuel, en poste depuis 2012, s’appelle Tim O’Connor). Sur les murs latéraux sont encadrés les noms de ceux qui ont fait partie des 20 meilleurs étudiants de leur génération. Enfin, au fond de la salle, on retrouve le nom du major de chaque promotion ainsi que le nom de chaque Prefect depuis la création du lycée (ndlr : équivalent d’un délégué, mais pour l’ensemble d’une promotion). Plusieurs joueurs de rugby ont excellé au niveau académique, au point d’avoir leur nom inscrit sur l’un des tableaux. C’est le cas par exemple de Doug Howlett, délégué en 1996, avant de devenir un All Black, quelques années plus tard. « C’est un lycée très compétitif, nous explique David. Chaque jour, quand tu es ici, tu es en compétition avec tous les autres élèves. Et quand quelqu’un réussit quelque chose (que ce soit sur le plan sportif ou académique), on célèbre ce succès. L’étudiant est alors appelé à rejoindre le proviseur sur le podium pour lui serrer la main, sous les clappements de mains de 2500 étudiants et 150 enseignants… C’est toujours quelque chose d’impressionnant ». A la question de savoir si la compétition reste saine entre tous ces jeunes, David nous répond que la compétition est effectivement très rude, mais qu’elle reste juste : « les élèves sont mis dans des classes selon leur niveau. Par exemple, s’il y a 500 élèves dans une promotion, les 36 meilleurs iront dans la classe A, les 36 suivants dans la classe B, et ainsi de suite jusqu’à la classe O ou P. Ils sont classés selon leurs résultats aux examens (anglais, math, science, langues étrangères, etc.). A la fin de chaque trimestre ont lieu des examens qui remettent en question les classes. Ainsi, un élève qui commence en classe C en début d’année peut finir en classe A. Et ainsi de suite pendant 5 ans ».

Cet esprit compétitif se traduit sur le plan sportif par de nombreuses victoires : dans une salle derrière le hall, le cabinet aux trophées est bien garni, même si certains ont disparu (plusieurs trophées étant remis en jeu d’une année sur l’autre). Ces trophées ne concernent pas uniquement le rugby, loin de là. « On est très bons dans différents sports, mais pas dans tous les sports, éclaircit David. Et puis, ça dépend des années. Cette année par exemple, on a remporté le tournoi de cricket de la région d’Auckland. Le badminton aussi. Par contre, on n’a rien gagné en rugby, tandis qu’en football on a terminé 3èmes. Mais de façon générale, on gagne assez souvent ». Un peu plus loin, une photo aérienne dévoile l’ensemble des infrastructures du lycée. On y dénombre pas moins de trois stades : un pour le hockey sur gazon, un autre pour rugby, et un grand terrain dédié au cricket et au football.

Pour intégrer l’équipe première du lycée, est-il nécessaire d’avoir de bons résultats scolaires ? C’est la question que nous posons à David. Après réflexion, il nous répond que ça dépend des coachs, avant de clarifier la philosophie de l’établissement : « de façon générale, il faut que les jeunes aient un comportement exemplaire sur et en dehors du terrain. Il faut qu’en classe, ils fassent de leur mieux. On n’exige pas qu’ils aient telle ou telle moyenne pour faire partie de l’équipe première, mais on s’attend à ce qu’ils donnent le meilleur d’eux même dans chaque matière. Il ne faut pas oublier que l’objectif premier de cet établissement, c’est la réussite scolaire. L’école tire sa fierté de tous ces jeunes qui finissent le lycée en sachant ce qu’ils doivent faire pour réussir dans la vie. Le but, c’est qu’en sortant d’ici, ils soient bien éduqués, bien formés, et qu’ils aient de bonnes valeurs ».

Selon David, le fait qu’il y ait autant de All Blacks issus de cet établissement est étroitement lié au fait que l’école ait placé la réussite académique au cœur de ses priorités : « Tout est question d’habitude, n’est-ce pas ? Les bonnes habitudes à prendre pour bien travailler et devenir intelligent sont identiques à celles nécessaires pour devenir un sportif de haut niveau. La discipline, le travail acharné, l’engagement. Et donc leur inculquer ces valeurs en classe, faire en sorte qu’ils aient cet esprit de compétition au quotidien, ça se traduit par des bonnes performances sur le terrain ».

La visite se poursuit à l’étage, où David nous présente les photos des First Fifteen (équipe première du lycée, ndlr) du lycée. Tout un pan de mur est consacré à ces portraits de groupe. « Certains First Fifteen étaient exceptionnels… », nous souffle David en survolant de la main les photos. Sur l’une d’entre elles, on reconnaît les frères Alan et Gary Whetton, champions du monde en 1987. On y voit également également John Drake, un ancien pilier All Black. Dès la génération suivante, on discerne Grant Fox, l’un des plus fameux ouvreurs All Blacks de l’histoire, et Martin Crowe, qui a eu par la suite une brillante carrière en cricket. Graham Henry, sélectionneur des All Blacks champions du monde en 2011, entraînait ces First Fifteen dans les années 70. Nous faisons part à notre interlocuteur de la différence la plus marquante que nous trouvons entre ces portraits d’époque et les photos de groupe actuelles, outre les mulets et les moustaches qui étaient de rigueur dans les années 70 : la proportion d’Islanders, largement plus importante sur les portraits d’équipe depuis le début des années 2000. David acquiesce, l’école étant « le reflet de la société néo-zélandaise ».

Un siècle de rugby nous contemple ainsi, avec certes des différences notables entre les générations mais surtout un dénominateur commun : ce maillot bleu marine fièrement porté par les joueurs sur chaque portrait. « Notre maillot est resté le même depuis l’origine, soutient David. On n’a aucun sponsor maillot. L’équipe a des sponsors pourtant, mais on ne les autorise pas à mettre leur nom sur le maillot. C’est une tradition, le maillot doit rester le même ».

Le regard de David se pose quelques instants sur l’une des photos. « Il y a eu tellement de joueurs merveilleux qui ont représenté le lycée », susurre-t-il dans une voix empreinte d’un soupçon de nostalgie. Nous reconnaissons sur la photo Doug Howlett. « Ça, c’est l’année où il était capitaine de l’équipe première, en 1996. Depuis, il est devenu le meilleur marqueur d’essais de l’histoire des All Blacks. Doug était tellement bon. A 15 ans, il faisait déjà partie du First Fifteen alors que la plupart des joueurs doivent attendre d’avoir 17 ou 18 ans. Il était si vif, si rapide… C’était un joueur vraiment spécial ». Assis en tailleur juste à côté, il nous semble reconnaître notre interlocuteur du jour. « j’étais vice-capitaine cette année-là », nous confirme-t-il. Cherchant à en savoir plus, nous lui demandons s’il a continué à jouer après le lycée. Quelque peu réticent à se confier sur son cas personnel, David se souvient néanmoins de son passé. « J’ai eu une blessure à la tête quand j’avais 23 ans, qui m’a contraint à stopper le rugby… (il marque un long silence). Un choc tête contre tête. Le médecin a dit : ça suffit, plus de rugby. Ça s’est terminé comme ça… ». La cicatrice n’est pas totalement refermée ; Dave change de sujet et évoque la formation.

Ancien demi-de-mêlée, il est aujourd’hui le coach principal du First Fifteen, et ce depuis cinq ans. S’il est habitué à voir évoluer des jeunes talents, un ancien du lycée qui est appelé dans la sélection All Blacks reste toujours un événement exceptionnel. Au total, 52 All Blacks sont sortis des rangs d’Auckland Grammar. Le dernier est très récent, Rieko Ioane (ndlr : il a disputé son premier Test en Italie, à l’automne dernier). Deux ans seulement après avoir quitté le lycée, il est devenu international, chose assez rare pour être soulignée. « C’est tellement dur d’arriver à ce niveau, analyse David, il y a tellement de bons joueurs de rugby en Nouvelle-Zélande… Un joueur comme Rieko avait toutes les qualités auxquelles on pourrait penser quand on parle d’un futur All Black, mais bien souvent ça ne suffit pas… il faut une énorme détermination, une capacité à gérer la pression, et un brin de chance, également. Rieko avait tout ça, et ici on est tous très fiers de lui. Il était trois-quarts centre et vice-capitaine lors de sa dernière année au lycée, en 2014. Son frère, Akira, portait le numéro 8. Un joueur merveilleux lui aussi ». Parmi l’équipe actuelle, est-ce que certains sortent du lot ? « On a de très bons joueurs. Je pense notamment à notre numéro 8 et capitaine, Sione Havili, qui vient de remporter le trophée Jerry Collins Memorial Bronze Boot, décerné au meilleur joueur de la rencontre annuelle entre l’équipe internationale des lycées australiens et l’équipe des lycéens néo-zélandais (ndlr : un trophée précédemment remporté par Liam Messam en 2002, Victor Vito en 2004, Sam Cane en 2009 ou encore Ardie Savea en 2011) ».

Bien que le stade principal soit en cours de rénovation, David tient à nous montrer les infrastructures dont ils disposent. Des infrastructures haut de gamme, financées en grande partie par des collectes de fonds lors de galas de bienfaisance. Ces collectes sont organisées par les « Old Boys », autrement dit l’association des anciens du lycée. Comme nous le rappelle David, Auckland Grammar est un établissement public ; si l’école comptait uniquement sur les subventions de l’état, elle n’aurait pas assez d’argent pour construire ce dont elle a besoin.

Nous accédons à une salle multisport très moderne. « Quand les All Blacks jouent à l’Eden Park, nous explique Dave, ils viennent souvent ici pour s’entraîner. Les vitres sont teintes, de l’extérieur on ne peut rien voir. C’est pratique, juste à côté de l’Eden Park. Surtout, le revêtement au sol est parfait pour les articulations. Nous, les coachs de Auckland Grammar, on vient parfois assister à ces séances d’entraînement. C’est très, très enrichissant ».

Nous voilà à présent dehors ; le cadre est magnifique. Les trois terrains sont répartis sur trois niveaux différents, le terrain n°1 — le plus élevé — étant celui dédié au rugby. Nous longeons ce dernier, devant le Pavillon des Old Boys. La vue sur Auckland est somptueuse ; la colline de Mount Eden d’un côté, Newmarket de l’autre. Au loin, on distingue la Sky Tower. Vacances obligent, on n’entend pas le moindre bruit si ce n’est celui de la tondeuse à gazon. « Comme on peut le constater, nous annonce David, on est en train de refaire toute la surface. Les garçons sont très enthousiastes à l’idée d’évoluer sur un terrain neuf dès la reprise ! Tous les 10 ans, on refait le terrain. De nos jours, un terrain ça ne tient pas plus longtemps ».

Passer devant le terrain est l’occasion d’aborder le sujet des entraînements. David nous apprend que les jeunes s’entraînent quatre fois par semaine en général — des séances relativement courtes, entre 45 minutes et 1h15 (selon qu’ils aient fait ou non une séance de musculation dans la matinée). Qu’en est-il des vacances ? Les jeunes en profitent pour se reposer, certes, mais ils ne se relâchent pas pour autant. Pour David, c’est très important: « durant l’intersaison, chaque garçon a son programme personnalisé, qu’il doit suivre avant la reprise des entraînements collectifs. Certains garçons sont naturellement avantagés sur le plan physique et n’ont donc pas besoin de soulever des poids. Par contre, ces garçons-là ne sont peut-être pas des très bons coureurs, alors on les fait courir plus ». Quid des fondamentaux ? David en profite pour exposer sa vision du coaching. « On travaille inlassablement les fondamentaux : réussir une passe, plaquer, attraper un ballon dans les airs…

On consacre pas mal de temps à l’aspect tactique également. Quels sont les points forts, les points faibles de l’adversaire ? Comment va-t-on jouer ? Mais le plus important, c’est de laisser les gamins s’exprimer sur le terrain. Il faut que ces jeunes aient confiance, qu’ils prennent le ballon et se lâchent sur le terrain, plutôt que se demander si leur action va marcher ou pas ». La saison « rugbystique » terminée, les joueurs pratiquent en général d’autres activités sportives. Ils font ce qu’on appelle des « sports d’été » : cricket et athlétisme sont probablement, selon David, les deux activités les plus prisées, mais certains pratiquent aussi le tennis ou le touch rugby.

Nous montons sur le balcon du pavillon ; la vue sur le terrain est imprenable. « Quand on est ici, c’est agréable hein ? ». David nous indique où s’installent le proviseur (qui assiste à toutes les rencontres), et les invités d’honneur tel que Graham Henry, venu récemment. David nous laisse imaginer la scène : « quand il y a un grand match, le talus autour du stade est plein à craquer. Pour le choc face à notre rival Kings College, on rentre 5000, 6000 personnes sans problème. Et pour un match normal, on compte tout de même entre 500 et 2000 supporters ». Les matchs ont lieu chaque semaine en hiver. Auckland Grammar n’affronte que des écoles « Top Grade » — soit l’élite des lycées. Le championnat d’Auckland comprend 12 équipes, ce qui représente 11 matchs, plus éventuellement la demi-finale et la finale. Le champion d’Auckland va ensuite affronter le champion de North Auckland. Enfin, le vainqueur de ce match est qualifié pour les phases finales du championnat national, dont la grande finale se joue en principe à Rotorua. « On a disputé la grande finale à plusieurs reprises, mais on ne l’a remportée que quatre fois, commente David. La dernière fois, c’était en 1992. En 2002, on échoue en finale. En 2014, quand on avait Rieko dans nos rangs, on a atteint la demi-finale, mais on a perdu et terminé 3èmes sur le plan national ».

David nous surprend en nous apprenant que l’équipe ne fait pas de haka avant les matchs. « L’école a son haka, précise-t-il, mais le First Fifteen ne le fait pas. On ne l’a jamais fait. La tradition dans notre lycée, quand on affronte Kings College, c’est que les pensionnaires des deux lycées fassent leur haka avant la rencontre. On a d’ailleurs un coach de haka ; c’est un prof de maori qui donne les cours de haka. Les joueurs quant à eux se tiennent debout, écoutent et regardent. La seule occasion où les jeunes du First Fifteen effectuent un haka, c’est quand ils partent en déplacement, par exemple dans l’île du sud ».

Nous essayons ensuite d’entrer dans le pavillon. Malheureusement, la porte est bloquée. David insiste, il tient à nous montrer ce lieu si particulier. Nous faisons le tour depuis le balcon. « Vous pouvez voir d’ici, nous dit-il en pointant son doigt vers un grand tableau visible depuis la baie vitrée. Ça, c’est la liste de tous nos All Blacks. Il n’y a pas encore le nom de Rieko, ça s’arrête à Ben Stanley et Ben Atiga. Je vais vous faire rentrer pour que vous puissiez prendre des photos et voir le maillot spécial ». Si l’école est fière de tous les All Blacks qui ont été formés dans l’établissement, aucune cérémonie particulière n’a lieu à l’annonce d’un nouveau capé. « L’école les félicite, tout simplement, ajoute David. On en parle à la grande assemblée matinale, mais ça s’arrête là. Ceci dit, quand l’occasion se présente, l’école fait venir des All Blacks issus de l’école pour faire des discours, motiver les jeunes étudiants ».

Le pavillon des Old Boys n’est pas réservé aux anciens rugbymen : il fait également la part balle à tous les autres champions sortis du lycée. Huit anciens de Grammar ont représenté la Nouvelle-Zélande aux derniers JO  — leur nom figure sur un autre tableau dans la salle. A côté, un tableau honore les meilleurs athlètes de chaque génération. Une fois de plus, on lit le nom de Doug Howlett, cité en 1996. Un peu plus loin, le tableau d’honneur du cricket mentionne tous les capitaines du First Eleven (ndlr. l’équipe une du cricket), avec le regretté Martin Crowe en 1979 et 1980 — l’un des rares à avoir évolué dans le First Fifteen et le First Eleven.

Bien que le cricket, l’aviron, le hockey et le football représentent des sports traditionnels et bénéficient d’une longue tradition, c’est bien le rugby qui est le sport le plus ancien à Auckland Grammar — la première équipe remontant à 1886. Sur le tableau d’honneur du rugby, on relève le nom de tous les capitaines depuis l’origine. Certains familles ont marqué l’histoire du lycée, comme les Stanley : le Clermontois Benson a été capitaine, tout comme son frère Winston et son oncle Joe. D’autres individus, moins célèbres de nos jours, ont considérablement influencé leur époque. C’est le cas de MR Grierson, capitaine trois années consécutives, en 1916, 1917 et 1918, le seul à avoir accompli cet exploit. « La légende dit que ce joueur, MR Grierson, était une personnalité phénoménale, un joueur exceptionnel, nous confie David. Ceci dit, je ne sais pas si ce joueur a été All Black (ndlr. Grierson a affronté les Springboks avec le maillot d’Auckland en 1921, avant d’être retenu la même année par le comité de sélection des All Blacks. Finalement, il n’a jamais porté le maillot à la fougère, privilégiant ses études juridiques sur sa carrière sportive) ».

David parvient finalement à récupérer un trousseau de clé pour entrer dans le bâtiment. Il tenait vraiment à nous montrer le maillot spécial qui avait été fait pour célébrer le 50e All Black issu du lycée : un maillot moitié Auckland Grammar School, moitié All Blacks. « Il y avait eu un grand dîner ce jour-là, nous raconte David. Tous les anciens étaient présents. C’était un moment spécial, car on est devenu la première école à atteindre la barre symbolique des 50 All Blacks. Il me semble que Christchurch Boys en est à 44, et nous à 52 maintenant. Il y a une grande rivalité entre eux et nous, même si on ne les a pas affrontés depuis longtemps… Ils ont eu des joueurs fantastiques eux aussi, tels que Dan Carter, Andrew Mehrtens ou encore Aaron Mauger ».

Le poids de l’héritage semble omniprésent dans cet établissement… La pression ne serait-elle pas excessive pour les jeunes qui intègrent l’équipe ? Pour David, « c’est vrai qu’il y a toujours une certaine pression et surtout des attentes élevées chaque année en raison du palmarès de l’équipe, mais les jeunes font de leur mieux. Tant qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et qu’ils portent le maillot avec autant de fierté que leurs prédécesseurs, victoire ou défaite, l’école sera heureuse ».

Nous retournons vers l’entrée principale du lycée. Sur le chemin, David nous révèle à quel point il apprécie Auckland Grammar. « C’est une école merveilleuse n’est-ce pas ? Ici, on bénéficie d’un environnement parfait pour étudier et faire du sport. Ce que j’aime dans ce lycée, c’est qu’on garde les éléments du passé tout en continuant d’ajouter de nouvelles choses. L’état d’esprit ici est le suivant : on se dit que dans le passé, les gens savaient ce qu’ils faisaient, alors c’est inutile de repartir de zéro à chaque changement de proviseur. Mais on est conscient qu’il faut évoluer. Alors on ajoute au fur et à mesure des petites touches à l’édifice. C’est en quelque sorte la modernité dans la tradition ».